De Tobolsk à Kazan, de l’Asie à l’Europe

Le 13 décembre 2021

Le trajet Irkustk – Tobolsk

Incontestablement, la ligne de Irkustk à Tobolsk aura été notre plus long trajet sans interruptions de tout le voyage. Mais certainement pas le moins agréable ! Au total, nous resterons près de 48h et deux nuits dans le train. De Irkustk à Tiumen d’abord, puis quelques heures seulement de Tiumen à Tobolsk.
 

Bien que nous ayons déjà passé la nuit dans un train, c’est la première fois que nous passerons deux nuits d’affilé. Il s’agit donc d’être paré ! On a fait toutes nos petites courses en face de la gare avant le grand départ : nouilles instants, biscuits, saucisses, pains, et un énooorme paquet de cigarettes russes fourrées ! Miaaaaam ! Vers 14h, le train s’ébranle enfin et quitte la gare de Irkutsk. A bord, les nouveaux arrivants comme nous s’installent pour quelques heures ou quelques jours de trajet, en fonction de leur destination. Tout le monde fait un peu connaissance avec ses nouveaux voisins, ce qui s’avère plus difficile dans notre cas vu notre faible niveau de russe, et le faible niveau d’anglais de nos colocataires. Deux étudiantes dorment en-dessous de nous et elles ne semblent pas spécialement intéressées de parler avec nous vu nos lacunes dans la langue locale.
 
Le trajet est pour autant loin d’être désagréable. La taïga avec ses bouleaux et ses marais défile sous nos yeux tandis que l’on alterne siestes et lecture dans nos lits (ainsi que l’écriture de la Bougeotte). Heureusement, il nous reste encore un peu de sommeil à la nuit tombée et un bon repas nous aide à fermer les yeux pour la nuit. Paul fait son possible pour rester en entier sur sa couchette mais ses pieds dépassent un peu dans le couloir… Quelques russes auront la joie de se prendre ses panards dans la figure en traversant l’allée pendant la nuit. Oups… Personne ne viendra se plaindre cependant donc ça va.
 

Déjà une nuit de passé et sans qu’on ne se réveille, nos colocataires du bas ont changés ! C’est maintenant une vieille dame souriante (chose rare ici où les gens sont assez fermés au premier abord) qui nous demande d’où nous venons et où nous allons avec force de gestes et de russe. La conversation est sympa et quelques têtes nous jettent un œil curieux des lits alentours. Nous terminerons sur des échanges de gougouilles, ce qui est monnaie courante dans le train avec ses comparses. La vieille dame sera vite remplacée par un autre voyageur et ainsi de suite, les nouveaux venus venant et partant tout au long du trajet.
 
Chose incroyable pour nous, les belges, c’est que cette ligne de train connectant Vladivostok à Moscou en une semaine sur plus de 9.000 km et traversant 990 gares, ne rencontre jamais de retard. Nous arrivons toujours en gare à la minute près !
Toutes les heures à quelques heures, le train s’arrête dans une gare pour une durée qui est fonction de l’importance de la ville. Ainsi, dans les plus grandes villes, c’est près d’une heure qu’il s’arrête. On en profite pour acheter de bonnes pâtisseries à la viande dans des cahutes sur les quais. Puis nous n’avons pas le temps de réaliser que déjà notre deuxième nuit passe. Cette fois, on a un peu moins bon car il fait presque tropical dans ce wagon ! Le panneau indique 25°C mais il fait bien plus chaud sur les couchettes du haut où nous sommes ! C’est finalement avec quand même un certain soulagement que nous sortons du train avec toutes nos affaires à Tiumen. Le train suivant ne tarde pas et quelques heures encore plus tard, en début de soirée, nous mettons enfin pied à Tobolsk ! Vivement une bonne douche ! Une dernière attente dans la neige et le noir à une température frôlant les -10°C puis notre navette arrive enfin pour nous amener vers le centre.
 

Tobolsk

Arriver au Kremlin de Tobolsk, au début de la nuit, c’est tout simplement magique. Surtout quand il fait froid comme maintenant. Partout, la neige cache le sol tandis qu’une brume neigeuse recouvre le site. Le Kremlin lui est illuminé par des projecteurs et semble briller dans la nuit. On se croirait dans un conte de princesse ! Sauf que si la princesse dort dans un château, nous, nous dormirons… dans une prison ! En effet, la prison du Kremlin a été reconvertie en petite auberge de jeunesse à bas prix. Nous dormirons donc en cellule cette nuit. Une dame en charge de l’hôtel d’à côté (qui est bien dans un château lui mais un peu plus cher…) vient nous ouvrir la lourde grille de l’ancienne entrée de la prison. Une bonne douche puis au cachot !
 

Tobolsk, c’est une ancienne capitale de la Sibérie mais c’est surtout la seule ville à l’est de la chaîne de l’Oural possédant un kremlin. C’est une des raisons qui nous a poussés à y faire une halte. Avec près de 100 000 habitants actuellement, la ville a beaucoup souffert et a connu un certain déclin après la construction de la ligne du transsibérien à 100 km au sud. C’est l’une des autres raisons qui nous a poussés à nous y arrêter : les voyageurs ne font que rarement le détour jusqu’ici.
 
Avant de poursuivre, il est sans doute nécessaire de préciser ce qu’est un kremlin. Wikipedia nous informe qu’il s’agit d’une construction fortifiée des anciennes villes russes qui abritaient des infrastructures militaires, religieuses et politique, concentrant ainsi au même endroit les acteurs du pouvoir de la ville où ils étaient présents. C’est en quelque sorte la citadelle de la ville.
 
Celui de Tobolsk est particulièrement bien conservé (la partie subsistante du moins) et c’est donc avec admiration que nous nous baladons entre les hauts bâtiments blancs, les clochers dorés et les toits couverts de neige.
 
Pas de bol par contre, la plupart des musées sont justement fermés aujourd’hui… Heureusement l’église est ouverte ainsi qu’un petit musée sur le travail de l’ivoire par un artiste local. Pour nous, c’est surtout l’occasion de déambuler, de profiter de la vue, et de la neige ! Car c’est le plus de neige qu’on ait vu jusqu’à présent en Russie !
 
Après avoir fait un bon tour du kremlin, on pique une tête dans la ville en contrebas. Attention de ne pas glisser car la descente est une vraie patinoire…
 
En bas, on retrouve les maisons typiques sibériennes mais aussi de larges demeures et bâtiments abandonnés aux éléments. Certaines constructions n’ont plus que leurs murs extérieurs tandis que des arbres ont poussés à l’intérieur. Pour d’autres, un drap représentant une façade intacte a été placé devant la vraie façade pour cacher les détériorations du temps. On ne sait pas si beaucoup seront dupes…
 
Une belle église bien entretenue subsiste malgré tout entre deux ruines. Pas question de badiner avec l’entretien des édifices religieux orthodoxes ici ! Notre longue balade tirant à sa fin, nous retournons finalement à notre prison pour y passer une deuxième et dernière nuit.
 

Kazan

Le lendemain, nous nous apprêtons une fois de plus à prendre le train, en direction de la célèbre Kazan cette fois. C’est avec un peu d’émotion que nous passons ce trajet car il marque le passage de la chaîne montagneuse de l’Oural et donc, le passage de ce que l’on considère généralement comme la limite entre la Sibérie/l’Asie et l’Europe. Le retour est proche.
 

Une nuit de train après avoir quitté la neige sibérienne de Tobolsk, la douceur du climat européen nous réchauffe quelque peu tandis que l’attelage s’arrête à la gare centrale de Kazan. La température est repassée pour de bon au-dessus de 0°C (pas de beaucoup, mais quand même). Et ce n’est pas que la température qui a changé. On peut directement sentir une influence bien plus occidentale dans la ville : l’architecture des bâtiments, la taille des bâtiments (bien plus grands), le côté davantage urbain, les habits des gens,…
 
Nos affaires déposées à notre logement, nous profitons des dernières heures de lumière pour parcourir avec curiosité les rues du centre-ville. Kazan est la capitale de la république du Tatarstan, terre du peuple Tatar d’origine bulgaro-turco-mongol. De ce fait, cette république a bénéficié d’une certaine autonomie à la chute de l’Union Soviétique, avant d’être remise dans les rangs par la politique d’uniformisation législative de Vladimir Poutine dans les années 2000.
S’ils ne disposent plus de leur autonomie, les tatars sont néanmoins fiers de leur héritage, ce qui transparaît dans de nombreux monuments et bâtiments dont la mosquée Qolshärif inaugurée en 2005 est sans doute l’exemple le plus marquant. Mais nous en saurons un peu plus demain ! Car nous restons deux nuits dans cette ville et pour l’heure, on tombe de fatigue. Vite au chaud, histoire d’être en forme pour demain !
 

Après le kremlin de Tobolsk, il est à présent temps de visiter celui de Kazan ! Et autant dire qu’ils n’ont rien en commun… Celui-ci est bien plus vaste, comporte un plus grand nombre de bâtiments, les édifices y sont plus imposants et il est mieux entretenu. Il est également inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui n’était pas le cas de celui de Tobolsk.
 
La récente mosquée Qolshärif domine le site, avec ses hautes tours blanches et ses toits turquoises. C’est par là que nous commencerons notre visite. A l’intérieur, les vitraux colorés laissent entrer la lumière à grands flots. Mais nous ne nous attardons pas dans le hall principal pour descendre au sous-sol voir une jolie exposition sur l’islam en Russie. C’est tout de même surprenant de se dire que l’islam est si présent ici alors que presque partout ailleurs, l’orthodoxie est si marquée. Une église orthodoxe, la cathédrale de l’Annonciation, n’est d’ailleurs qu’à quelques mètres de là, dans l’enceinte du Kremlin également. Elle est même de couleurs semblables à la mosquée (enfin, plutôt l’inverse car l’église date de 1562). Une fois les deux bâtiments religieux visités, nous parcourons tranquillement le reste du site composé de plusieurs tours, casemates et d’un palais.
 

Si le kremlin est logiquement la chose que nous avons visitée en premier lieu, l’université de Kazan attise aussi notre curiosité. Deuxième plus vieille université de Russie, ses majestueux bâtiments classiques ont autrefois accueilli un étudiant en droit, du nom de Vladimir Lénine. Nous n’allons pas la visiter (on ne sait d’ailleurs pas si c’est possible) mais nous fréquentons bien quelques-uns de ses étudiants, dans une cantine universitaire chaleureuse, pleine d’animation et de bon petits plats sains ! C’est tellement bon, cosy et peu cher que nous retournerons là plusieurs fois. Ca ne doit pas être trop mal d’être étudiant ici… Finalement, nous ferons un dernier arrêt au musée national de la république du Tatarstan avant la fin de la journée. Demain, c’est départ direction la capitale, Moscou !
 
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