Moron
Quelques jours après notre arrivée à Ulaanbaatar, notre planning est finalement au point : pas de désert de Gobi pour l’instant, nous irons plutôt vers le nord, avant que le climat ne devienne vraiment trop froid. Direction donc Morön (ou Murun) à l’ouest, dernière véritable ville avant le grand lac Khovsgöl et les étendues montagneuses du nord-ouest.
Pour s’y rendre, c’est simple, il n’y a pas mille solutions, il faut emprunter la seule route asphaltée qui se dirige dans cette direction. Et ce sera en car de nuit durant 12h ! Une marche de 4 km dans la pénombre jusqu’à la gare avec nos sacs à dos allégés (nous reviendrons de toute façon à Ulaanbaatar donc pas la peine d’emporter plus que l’essentiel) et nous voici à la gare des bus. Grâce aux vêtements chauds achetés sur le marché de la capitale, nous sommes parés pour résister au froid ! Il était temps car la température est déjà bien descendue ces derniers jours.
A la gare des bus, il n’y a pas vraiment d’indications, en tout cas pas en anglais, étant donné que les voyageurs se déplacent plus en voiture qu’en car. On finit par trouver un guichet et par chance notre chauffeur est justement adossé au comptoir. Il nous interpelle directement car on est les deux seuls de sa liste à avoir un nom étranger, ça ne pouvait être que nous avec nos airs perdus.
Pour rentrer dans le car, c’est l’effervescence ! La soute et l’intérieur du bus sont chargés de paquets, de sacs de riz et autres choses que les mongols apportent probablement dans leurs familles après leur séjour à la capitale. Des enfants en nombre crient partout, jouent entre eux par-dessus les sièges tandis que des passagers supplémentaires sont casés au milieu des rangées, assis sur des sacs de riz pour l’entièreté de la nuit.
Du fait de nos places séparées, on se retrouve chacun assis à côté d’une fenêtre. Si nous trouvons d’abord étonnant que les mongols ne veuillent pas s’assoir à côté des fenêtres, on comprend vite pourquoi : avec le froid polaire de dehors, les vitres irradient de froid et de la condensation coule le long du verre durant tout le trajet.
Enfin, le car s’ébranle et le téléviseur commence à passer des clips musicaux mongols traditionnels. C’est parti pour la nuit ! Francé a la grande chance de profiter d’un troisième passager sur sa banquette de deux, heureusement c’est un enfant… C’est ici qu’elle s’initiera à l’aisance qu’ont les mongols pour dormir les uns sur les autres, même quand il s’agit d’inconnus.
Il est environ 8h du matin lorsque le car s’arrête finalement sur un terrain vague au milieu de la petite ville de Morön. Ouf, plus qu’à trouver notre hôte maintenant. Juste avant notre départ, nous avons pris contact avec une pension de Morön et il s’agit à présent de la trouver.
Quelques recherches plus tard, notre hôte vient finalement nous chercher après un coup de fil (on n’arrivait pas à trouver l’endroit…) et nous introduit à notre logement… une yourte ! La première dans laquelle nous dormirons ! Et ça ne va pas tarder car nous sommes épuisés après le long voyage. On engloutit un déjeuner puis au dodo pour une sieste dans le confort simple mais douillet de la yourte.
Morön est considérée comme la grande ville de la région où viennent se ravitailler les nomades. A notre échelle d’européens, c’est une petite ville en damier avec des maisons en bois et de quelques édifices en béton dans une plaine entourée de montagnes. Deux routes bétonnées servent de « grands axes », tandis que les chemins de terre bordés de maisonnettes s’éloignent vers les plaines infinies.
Les motos-taxi attendent au carrefour principal de la ville les nomades ayant fait leurs courses au marché tandis que les vendeurs de peaux de moutons étalent leurs plus belles pièces sur le trottoir.
Comme à
Ulaanbaatar, il existe ici un marché, même s’il est cette fois bien plus petit. Après une nuit dans un premier temps bien chaude grâce au poêle à bois, puis glacée une fois le feu éteint, nous nous rendons sur le marché pour compléter notre collection de vêtements d’hiver :
gants et bonnets, ça c’est fait !
Plus qu’à se goinfrer de buuz dans un pub local et voilà déjà notre transport de l’après-midi qui est prêt à nous emmener à Khatgal, le premier village au bord du lac. Cette fois, le trajet est de jour et nous avons enfin l’opportunité de nous absorber dans la contemplation des magnifiques paysages mongols : des troupeaux de moutons, de yak ou encore des chevaux parcourent les steppes immenses parsemées de yourtes, tandis qu’une petite fille s’endort sur les genoux de Francé.
Khatgal
L’endroit où nous logeons à Khatgal, la MS Guesthouse, est l’un des seuls endroits à être encore ouvert à ce moment de l’année. En effet, si les logements sont nombreux en été, la haute saison, ils sont cependant bien plus rares dès le début de l’automne.
Fort de son succès, le camp de yourte où nous restons dispose même d’une salle commune bien chauffée où sont servis des repas chauds et où l’on peut trouver quelques livres. Le genre d’endroit bien douillet qui donne envie de ne plus jamais partir ! Il y a même une toilette occidentale à l’autre bout du champ ! Une rareté dans ce genre d’endroit où les toilettes sont plus régulièrement des cabanes de bois avec un simple trou dans le plancher. Pas question de faire sa commission trop longtemps par contre, vu le froid glacial qui y règne (et l’odeur de la fosse). Autre luxe : une douche avec de l’eau chaude provenant d’un poêle à bois ! Un petit pipi d’eau chaude mais de l’eau chaude quand même, c’est déjà ça !
L’ambiance du camp est aussi excellente. La gérante nous indique comment organiser un trek sur les bords du lac, un vieux monsieur édenté souriant nous bichonne en s’occupant d’allumer le feu dans notre yourte et nous rencontrons d’autres voyageurs avec qui nous partageons un verre de
vodka.
Le soir venu, c’est bon, nous sommes prêts ! Demain nous partirons pour trois jours de balade aux abords du lac, notre gros sac sur le dos. Le timing est parfait car le temps s’annonce magnifique avec de la
neige prévue seulement dans 4 jours. Allé, zoup, au dodo dans notre yourte douillette, reposons un peu les jambes avant demain !
Le lac Khovsgol
Le lendemain, après une fin de nuit de nouveau glacée, on se réchauffe tranquillement avec un petit déjeuner maison en attendant que le soleil réchauffe un peu le coin. Puis on se met en route ! Un arrêt à la superette pour acheter des provisions en suffisance et des casseroles pour camper, un peu de crème solaire sur le visage, et c’est parti. On traverse le village, suivi d’un vieux dépôt de l’ère soviétique avant de nous engager sur un petit sentier longeant le lac, à travers les bois.
Le décor est tout simplement à couper le souffle. Avec la venue de l’automne, tous les conifères se sont parés d’un orange éclatant qui fait contraste avec le bleu immaculé du ciel et le bleu profond du lac qui s’étend à perte de vue. Au sol, nous marchons sur un tapis orange également, du fait de la chute des épines des arbres. Quelques bandes de neige subsistent çà et là, entre deux yourtes. On n’en finit pas de s’extasier sur la beauté du paysage !
Et pour en profiter à fond, rien de tel qu’un petit arrêt pic-nic en se faisant un bon feu de bois. On croise même notre ami français rencontré la veille avec qui on partage un café chaud. Comme on est bien… Mais le temps passe et il ne faudrait pas qu’on traîne trop. Car une fois la nuit tombée, il devient difficile de trouver un endroit pour dormir, sans compter que les chiens deviennent un tantinet agressifs. Ces derniers sont d’ailleurs notre plus grosse crainte car en plus de leur ressemblance avec des loups, ils porteraient pour beaucoup la rage.
Quelques kilomètres plus loin, nous atteignons un promontoire surmonté par un
ovoo. Les ovoo sont des sanctuaires chamaniques construits en terre, bois, sable… Lorsqu’un mongol passe devant, il est forcé de s’y arrêter. Il doit tourner autour plusieurs fois et y déposer une offrande telle que l’asperger de vodka ou de lait, mettre de l’argent ou couper du crin de cheval. Ensuite il dépose un pierre sur l’édifice. Les chamanes eux, s’y rendent pour faire des cérémonies ou des sacrifices.
Ici, c’est l’apothéose. Si déjà auparavant le paysage nous impressionnait, la vue d’ici est encore plus remarquable avec des forêts jaunes à perte de vue et l’exutoire du lac qui s’étend vers le sud, laissant place au lac vers le nord. Assis au bord du monticule, on prend bien le temps d’admirer ce qui s’offre à nous et on profite du calme imperturbable, sous les yeux de deux chevaux en train de brouter tranquillement. Mais une fois de plus, le jour avance, et il faut faire de même.
Pour passer la nuit, nous espérons rejoindre un camp repéré sur la carte et situé sur la colline suivante, après une longue section de forêt. Une fois à la colline, nous commençons à grimper, grimper, encore et encore, mais rien n’y fait, pas moyen d’apercevoir le moindre camp. Il faut se rendre à l’évidence… Il n’y a pas de camp ! Il faut encore marcher plusieurs kilomètres jusqu’au suivant ! Ce que nous confirme d’ailleurs un cavalier mongol passant justement dans le coin. Pas de temps à perdre, il faut maintenant tracer car le coucher du soleil est proche !
Tandis que le ciel s’obscurcit, des camps de yourtes arrivent enfin en vue. Si le premier semble à peu près vide de personnes, il n’est pas vide d’animaux… Une ombre commence à bouger dans l’obscurité puis se met à courir dans notre direction ! C’est
un gros chien noir ! Tous les deux tendus, on se met sur la défensive, plein d’adrénaline jusqu’au moment où le chien parvient à nos pieds… et se couche sur ses pattes avant, sans avoir aboyé une seule fois. En fait il n’est pas méchant, il veut juste jouer ! Mais il nous a fait bien peur, c’est une sacrée bête… Pour éviter les mauvaises surprises, on évite tout de même d’aller dans son sens, à son plus grand désespoir, lui qui croyait avoir enfin trouver des compagnons de jeu. Au revoir doggo coquin !
Quelques centaines de mètres plus loin enfin, un monsieur accepte de nous accueillir dans la seule yourte autre que la sienne qu’il n’a pas encore démontée. Ouf ! On a un endroit pour dormir ce soir ! Il enlève les objets qu’il avait entreposé dedans pour l’hiver, nous coupe vite fait du bois, nous allume un petit feu et nous pouvons finalement souffler après une longue journée de marche. On se cuit un petit paquet de nouilles instant et puis au dodo !
Le plan initial de notre trek était de longer la berge du lac et de passer trois nuits, en allant toujours plus vers le nord. On doit cependant se rendre à l’évidence : quasi tous les camps de yourtes sont fermés et continuer encore trop vers le nord, ce serait ne pas être sûr de trouver un endroit pour dormir étant donné que les camps se feront plus rares.
Modification du plan donc… Nous passerons la deuxième nuit seulement 5 kilomètres plus loin que la première et profiterons simplement de l’après-midi pour nous poser sur la berge, tout en profitant du soleil, en faisant un petit feu et des ricochets sur le lac.
Et pour le dodo, ce sera presque dans du dur cette fois. Notre logement est une cabane de bois et la famille qui tient l’endroit nous bichonne avec des bons plats locaux. Trop bien !
Ici on découvre une autre caractéristique de la manière de vivre mongole, leur notion d’intimité et d’espace privé. Le soir nous avons la visite soudaine de notre voisine de cabane entrant sans toquer et sans hésiter dans notre chambre pour nous emprunter un tabouret. Plus tard durant le voyage, nous remarquerons que c’est comme ça partout, yourtes, tipis, … on entre sans demander, comme si c’était chez nous. Aussi, durant notre marche de la journée, nous traversons sans nous poser de question des camps de yourte limités par des barrières. Les mongols étant habitués aux plaines infinies, la délimitation de propriété privée est bien relative.
Le lendemain de la deuxième nuit, il est finalement temps de rentrer à Khatgal, le point de départ de notre trek, une nuit plus tôt que prévue. Le mauvais temps commence tout doucement à arriver avec le ciel qui se couvre. Marche arrière donc, mais à un rythme un peu plus soutenu cette fois, car il faut parcourir en un jour ce qu’on a parcouru sur les deux jours précédents.
On repasse devant le chien joueur, et on retraverse la forêt jusqu’au promontoire, en passant par un autre chemin au plus près de la berge cette fois, nous faisant parfois escalader des parois rocheuses. L’occasion de s’allumer un bon feu sur la plage caillouteuse pour manger notre dernier stock de nouilles instants.
En chemin, nous avons même la chance de faire une dernière rencontre : lors d’une pause, une mignonne hermine blanche pointe le bout de sa truffe entre deux rochers, passant d’une cavité à une autre jusqu’à surgir à moins d’un mètre de Paul. Hop, tout juste le temps de prendre une photo puis elle s’en va. Au revoir !
Retour à Katgal
En fin de journée, nous revoilà enfin à Khatgal, lessivés. Et il était temps car le lendemain, un manteau de neige recouvre le camp de yourte. Au programme, repos à l’intérieur avec un bon bouquin au coin du feu et de délicieux repas locaux. Dans la salle commune, c’est l’agitation car le mari de la patronne se présente aux élections pour devenir maire de Khatgal et il devrait normalement être élu.
Nous partons le surlendemain, juste avant l’annonce des résultats, retour à Morön. Espérons pour lui qu’il ait gagné ! De notre côté, nous nous préparons à la prochaine étape : la communauté des éleveurs de rennes, les célèbres Tsataans !
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