Le Transmongol
En avant pour la dernière étape : la mère patrie, la Russie !
Bien fatigués par notre immersion Tsataan mais surtout lessivés de bouger constamment depuis des mois, nous décidons de nous fixer un bon moment à Ulaan-Baatar, comme l’article sur cette ville le relate. Il s’agira là de notre dernière grosse pause avant l’é-poupée russe et le retour à la maison. Une ultime chevauchée le long de la ligne du Transmongol pour déboucher sur celle du Transsibérien, entre taïga et montagnes, entre régime tsariste et soviétique, au pays de Poutine, de Spoutnik et de Tolstoï.
La Russie nous inspire autant qu’elle nous inquiète un peu. D’un côté, il y a tout cet imaginaire collectif lié au pays, ses chefs-d’œuvre et ses grands paysages qui nous attirent. D’un autre côté, si les russes sont aussi difficiles à aborder que leurs visas, ce ne sera pas toujours de la rigolade. D’autant qu’ils sont connus pour être assez distants tout en ne parlant pas l’anglais. Nous profitons donc des derniers jours en Mongolie pour maîtriser des rudiments de la langue, avant d’aller réserver nos tickets jusqu’à Ulan-Ude, première ville russe d’importance.
Enfin, le jour de notre départ est arrivé. Nous remercions notre hôte Baggy du fond du cœur pour son accueil, nous serrons une dernière fois contre nous Arya, la petite chienne toute mignonne, puis nous nous rendons à la gare. Une fois le train repéré, « il n’y a plus qu’à ». Contrairement à nos précédents trajets mongols et chinois, nous sommes pour cette occasion en 2ème classe et non plus en 3ème classe, ce qui signifie que nous sommes dans un compartiment avec deux colocataires. C’est un couple mongol qui s’installe avec nous, baragouinant un tout petit peu d’anglais. Ils nous expliquent qu’ils partent avec leurs amis du compartiment d’à côté pour faire un voyage en Europe d’une semaine. Ouf ! Va falloir aller vite !
Comme tout mongol qui prend le train et qui se respecte, nos colocataires ont pris des réserves de nourriture colossales. Et ils ne s’arrêtent pas là, profitant d’un arrêt à une gare locale pour nous acheter de généreuses portions de pains fourrés à la viande. Nous sommes nourris. Ca va nous manquer la générosité mongole…
On se croirait alors dans un film d’espionnage : un train arrêté dans la nuit brumeuse et froide, ses voyageurs dans les compartiments, contrôlés par des officiels russes, le tout sur fond de contrebande mongole.
Premier passage, c’est le contrôle des passeports. Jusque-là, ça va vite et bien. Chacun à son tour il faut se mettre debout, presque au garde à vous face au contrôleur. Ce dernier fait ça bien sérieusement, mais on arrive à déceler un petit sourire lorsque il se rend compte de la taille inattendue de Paul une fois debout.
Deuxième passage, c’est la fouille du compartiment. Une sorte de Spiderman/Ninja russe grimpe et saute partout pour déceler d’éventuelles drogues ou objets suspects. Pas de soucis non plus, ouf.
Le troisième passage est sans doute le plus stressant. Il s’agit cette fois de la fouille des bagages. Une douanière fatale nous demande avec un grand sourire narquois si nous n’avons pas de drogues, même du cannabis (en insistant bien sur ce dernier). Difficile de ne pas être intimidé lorsqu’on nous regarde dans le blanc des yeux à ce point. Non non, on vous jure, on n’a rien (mais par contre, on ne sait pas trop si on peut avoir trois bouteilles d’alcool…celles ramenées comme souvenir des pays précédents). Heureusement, elle ne fouille que de façon superficielle. Dans notre cas du moins, car la madame a remarqué les bottes rutilantes en fourrure de notre colocataire mongol. Autant dire qu’elle n’est pas dupe, surtout que les bottes ne sont même pas à sa pointure. S’engage alors une conversation animée en russe, qui s’achève sur le départ de la contrôleuse. Notre ami pourra conserver ses bottes.
D’autres n’auront pas cette chance. En effet, une madame est priée de payer une taxe exorbitante ou de quitter le train, car elle dispose d’une montagne de bagages incluant fourrures, instruments de musique traditionnels, etc. Elle quittera le train par contrecoeur en rouspétant à qui mieux mieux tout en tirant derrière elle sa grande mandoline.
Enfin, un quatrième contrôle, le dernier, se déroule avec le passage d’une dame forte aux cheveux rasés et de son chien fatigué, à la recherche d’une odeur suspecte. RAS une fois de plus.
Le train à présent régularisé et sécurisé, nous sommes autorisés à prendre un peu l’air sur le quai couvert de neige. Il est passé 1h30 du matin et notre convoi ne va pas tarder à reprendre sa route. Quelques instants après avoir arpenté notre premier quai russe, il est grand temps d’aller dormir. Mais avant ça, nos amis de compartiment tiennent à nous offrir des petits souvenirs : un T-shirt pour Paul et une mini yourte pour Francé. Trop sympa <3
Après les remerciements et les adieux, nous nous glissons dans notre couchette. Réveil prévu dans 5h seulement, pour l’arrivée à Ulan-Ude.
Ulan-Ude, première ville russe
C’est une voix ferme qui nous tire de notre sommeil après ce qui nous semble être quelques minutes. Il s’agit de la prodaviska, l’intendante attribuée au bien-être et maintien de l’ordre de chaque wagon du train. Nous arrivons dans 10 minutes, il faut se préparer à sortir.
6h30, nous voilà debout sur le quai, le regard embrumé de fatigue et les épaules alourdies par nos sacs. Le jour vient de se lever tandis que nous nous mettons directement en route pour notre auberge. Ouf ! Celle-ci est déjà ouverte ! Mais il est évidemment trop tôt pour le check-in. Heureusement, nous pouvons déposer nos sacs. Il faudra donc arpenter la ville et se trouver un coin chaud pour attendre midi.
Capitale de la république de Bouriatie, en Sibérie, et peuplée de plus de 400 000 habitants, Ulan-Ude constitue notre première ville russe. Le changement est déjà particulièrement notable par rapport au pays précédent. D’un côté, la partie récente de la ville a tout du charme soviétique typique avec des HLM croulants et de grandioses bâtiments publiques de style neo-classique. D’un autre côté, le vieux centre est arpenté de ruelles tranquilles bordées de charmantes petites maisons en bois, propres à la Sibérie. Une grande église blanche surmontée de dômes bleus, la cathédrale Odigitria, émerge au milieu des structures en bois. Et oui, l’arrivée en Russie, c’est aussi le retour à la chrétienté et plus particulièrement, une immersion dans l’orthodoxie. Car les russes sont très pratiquants et très attachés à leur religion.